Il y a des jours où l’on avance, mais chaque pas semble désordonné, chaque effort paraît mal placé. On force, on pousse, on serre les dents – et pourtant, l’impression domine : je m’agite, mais pour quoi ?
Les stoïciens auraient souri doucement à ce sentiment. Non pas pour le minimiser, mais parce qu’ils savaient que le désordre apparent ne vient pas tant du monde que de notre regard sur lui. Ce n’est pas la route qui zigzague : c’est notre perception qui vacille quand la fatigue brouille l’horizon.
La confusion n’est pas un échec.
Sénèque le rappelait : “Nous ne souffrons pas des choses elles-mêmes, mais de l’opinion que nous en avons.” Être fatigué, ce n’est pas échouer. Être confus, ce n’est pas dévier. Ces états sont des signaux, pas des verdicts. Le moteur qui chauffe n’est pas un moteur cassé : il dit seulement qu’il a besoin d’un autre rythme, d’une pause, d’un réglage.
Avancer n’exige pas toujours de voir le bout de la route.
Les stoïciens vivaient dans un monde instable : guerres, intrigues politiques, épidémies. Ils savaient qu’exiger la clarté absolue avant d’agir revient à rester immobile. Mieux vaut poser un pas sûr, même dans le brouillard, que d’attendre le soleil pour se décider.
Marc Aurèle écrivait dans ses Pensées pour moi-même : “Si la direction est juste, peu importe la vitesse.” On n’a pas besoin d’un plan parfait : seulement d’un cap solide, assez ferme pour éviter de se laisser happer par l’agitation des autres ou par nos propres tourments.
Revenir à ce qui dépend de toi
L’impression de “faire n’importe quoi” vient souvent d’une confusion entre ce qui dépend de nous et ce qui échappe à notre main. Tu peux choisir ton effort, pas son résultat immédiat. Tu peux choisir ton rythme, pas l’opinion qu’on aura de toi. Tu peux choisir la droiture, pas la récompense.
Les stoïciens pratiquaient cet exercice quotidien :
- Identifier l’essentiel. Ce qui dépend de toi, aujourd’hui, maintenant.
- Renoncer au reste. Le reste n’est ni un ennemi ni un but, juste un décor.
- Agir avec calme. Non par inertie, mais parce que la tempête ne se trouve pas dans le vent, elle se trouve dans le pilote.
La fatigue est une donnée, pas une condamnation.
Le sage n’essaie pas d’être invincible ; il essaie d’être lucide. La fatigue n’est pas une faute : c’est un fait à reconnaître. L’accueillir sans honte, c’est déjà se rapprocher de la paix intérieure. La nier, c’est ajouter de la colère à l’épuisement.
Epictète aurait dit : “Si ton corps réclame du repos, donne-le-lui. Tu ne trahis pas ta mission : tu t’assures seulement de pouvoir la poursuivre.”
Quand tu sens que tu forces sur l’accélérateur, que tout semble décousu, adopte cette posture stoïcienne :
- Respire, observe, détache-toi un instant.
- Décide du prochain pas, un seul, plutôt que du chemin entier.
- Laisse le jugement (“je fais n’importe quoi”) passer comme un nuage, car il n’est qu’un commentaire, pas une vérité.
Le stoïcisme n’est pas l’art d’étouffer les émotions : c’est l’art de ne pas leur céder le gouvernail. La route ne sera peut-être jamais parfaitement droite. Mais toi, tu peux tenir le volant, même dans le brouillard.
peter rice